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ÉNÉE DE GAZA.


en contradiction, non-seulement les uns avec les autres, mais encore avec eux-mêmes.

Théophraste. Les Académiciens veulent persuader que Platon se contredit : dans ce but, ils transposent à leur gré ses idées et ses expressions, comme ceux qui interprètent arbitrairement les oracles. C’est une grande audace de leur part : car il n’y a jamais eu, il n’y aura jamais d’homme plus capable que Platon d’exprimer clairement sa pensée. D’autres sectateurs de ce philosophe, rougissant de le voir se contredire, lui imputent un autre tort en essayant de le justifier : car ils donnent à entendre que leur maître est obscur ou cache sa pensée par jalousie. Or aucune de ces deux choses n’est arrivée à Platon. Mais, ceux qui interprètent si subtilement ses écrits ne font pas attention que ce philosophe, introduisant dans la Grèce la sagesse des Chaldéens ainsi que celle des Égyptiens, et révélant les dogmes de Pythagore, d’Héraclite et d’Empédocle, a exposé dans ses divers dialogues des doctrines fort différentes, afin que ceux qui étudiaient la philosophie dans son école n’ignorassent aucune des opinions professées par les sages des diverses nations : c’est ainsi qu’au sujet de la matière, par exemple, il déclare tantôt qu’elle a été engendrée, tantôt qu’elle n’a pas été engendrée. Les successeurs de Platon, méconnaissant la richesse et la variété de sa doctrine, et d’ailleurs désirant chacun paraître avoir trouvé quelque chose de neuf, se sont combattus les uns les autres, et, s’étant ainsi divisés entre eux, ne suivent pas plus Platon qu’ils ne se suivent les uns les autres.


II. Les Néoplatoniciens expliquant chacun d’une manière différente les passages dans lesquels Platon dit que l’âme humaine passe dans des corps de bêtes[1].


Théophraste...... Les Égyptiens croient que la même âme peut passer successivement dans le corps d’un homme, d’un bœuf, d’un chien, d’un oiseau et d’un poisson. Selon eux, tantôt, animant une bête, telle qu’une fourmi ou un chameau, elle paît la terre ; tantôt, devenue une baleine ou un turbot, elle vit dans la mer ; tantôt, changée en oiseau, elle vole dans les airs sous la forme d’un geai ou d’un rossignol ; tantôt enfin, elle existe dans le corps d’un autre animal, jusqu’à ce qu’ayant passé par tous les corps elle remonte à la région de laquelle elle était descendue. Apollon et son fils Platon[2] sont sur ce point d’accord avec les Égyptiens. En effet,

  1. Éd. Boissonade, p. 10-15.
  2. Voy. Diogène Laërce, III, § 2.