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ÉNÉE DE GAZA.


mencer la lutte : la vie actuelle suffit pour montrer ce que nous valons. Dès l’enfance, la puissance de notre âme se révèle au maître du gymnase[1] ; il connaît, même avant la lutte, nos bonnes et nos mauvaises qualités ; ensuite, nos goûts, nos inclinations et nos actes sont appréciés par les spectateurs, à plus forte raison par le juge. Celui-ci n’a donc pas besoin d’attendre une seconde vie ni une autre épreuve, comme s’il ne savait ni connaître le présent ni prévoir l’avenir. Quand il voit une âme se distinguer dans la lutte, y déployer des qualités et des talents, en observer toutes les lois, il la couronne en la proclamant victorieuse, il l’admet à participer au nectar, à la gloire et aux danses célestes[2] dont il est impossible de déchoir. Quand il en voit une au contraire être lâche, efféminée, insensée et bavarde, troubler le théâtre[3] et en violer les lois, plein de haine pour elle il l’envoie expier ses fautes dans une prison d’où il est impossible de s’échapper.

VI. Quelle est l’origine de l’âme[4]  ?

Dieu produit toutes les créatures en demeurant ce qu’il est, sans que ses créations le diminuent ni que ses productions l’épuisent : car, pour créer, il lui suffit de vouloir. Ne nous étonnons donc pas si le Démiurge a embrassé toutes les choses qui ont été ; qui sont ou qui doivent être, et produit toujours chacune d’elles avec un art et une sagesse admirables, comme il veut, dans le temps le plus convenable et de la manière la plus parfaite possible[5].

VII. Pourquoi Dieu n’a-t-il pas créé toutes les âmes dès l’origine[6]  ?

Euxithéus… Il n’y a dans l’univers rien d’oisif, d’inutile ou de superflu. Si, l’homme étant un, nous admettons que l’âme préexiste au corps, qui ne serait formé que beaucoup plus tard, elle resterait oisive avant de descendre ici-bas ; elle demeurerait inutile pendant tout ce temps, puisqu’elle ne ferait point passer à l’acte sa puissance et ne connaîtrait pas ce qu’elle possède : car c’est là ce qu’elle gagne à descendre sur la terre[7]. Ce reproche d’oisiveté s’appliquerait surtout à l’âme qui est excellente, ou, comme vous l’appelez, pure et nouvelle, c’est-à-dire qui n’a pas encore été unie

  1. Cette comparaison est empruntée à Plotin, Enn. III, liv. II, § 8.
  2. Voy. Plotin, Enn. III, liv. IX, § 8.
  3. Voy. Plotin, Enn. III, liv. II, § 17.
  4. Éd. Boissonade, p. 41.
  5. Voy. Plotin, Enn. III, liv. II, § 16 et 17.
  6. Éd. Boissonade, p. 42-43.
  7. Voy. Plotin, Enn. IV, liv. VIII, § 5.