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LIVRE DEUXIÈME.

hommes qui ignorent la peinture et qui blâment l’artiste d’avoir mis des ombres dans son tableau : cependant il n’a fait qu’y répartir convenablement la lumière[1]. De même, les États bien réglés ne sont pas composés d’ordres égaux. Enfin, on ne condamne pas une tragédie parce qu’en y voit paraître d’autres personnages que des héros, un esclave,

    omnino. Recte enim reprehenderes si prætermisso cœlo terram factam videres, quoniam diceres ita eam fieri debuisse sicuti posses cogitare cœlum. Quum ergo etiam illud ad cujus speciem volebas terram perducere factum esse perspiceres, non autem hoc terram, sed cœlum vocari, credo quod, re meliore non fraudatus, ut inferior quoque aliqua fieret et terra esset, nequaquam invidere deberes… Neque tu potes aliquid melius in creatura cogitare quod creaturæ artificem fugerit. Humana quippe anima, divinis ex quibus pendet connexa rationibus, quum dicit : melius hoc fieret quam illud, si verum dicit et videt quod dicit, in illis quibus connexa est rationibus videt. Credat ergo Deum fecisse quod vera ratione ab eo faciendum fuisse cognovit, etiam si hoc in rebus factis non videt. Non enim cogitatione videret fuisse faciendum nisi in iis rationibus quibus facta sunt omnia. (S. Augustin, De Libero arbitrio, III, 5.)

  1. Fénelon, dans son traité De l’Existence de Dieu (I, ch. 3), a développé les comparaisons dont se sert ici Plotin : « On ne juge les ouvrages des hommes qu’en examinant le total : chaque partie ne doit pas avoir toute perfection, mais seulement celle qui lui convient dans l’ordre et dans la proportion des différentes parties qui composent le tout. Dans le corps humain, il ne faut pas que tous les membres soient des yeux ; il faut aussi des pieds et des mains. Dans l’univers, il faut un soleil pour le jour ; mais il faut aussi une lune pour la nuit. C’est ainsi qu’íl faut juger de chaque partie par rapport au tout ; toute autre vue est courte et trompeuse… Concluons-nous qu’un ouvrage de peinture est fait par le hasard, quand on y remarque des ombres, ou même quelques négligences de pinceau ? Le peintre, dit-on, aurait pu finir davantage ces carnations, ces draperies, ces lointains. Il est vrai que ce tableau n’est point parfait selon les règles ; mais quelle folie ce serait de dire : Ce tableau n’est point absolument parfait ; donc ce n’est qu’un amas de couleurs formé par le hasard, et la main d’aucun peintre n’y a travaillé. »