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LIVRE NEUVIÈME.


et des mélanges se ramènent par l’analyse à la forme imprimée à tous les éléments du composé, l’homme, par exemple, à une âme et à un corps, et le corps, aux quatre éléments. Comme chaque objet apparaît ainsi composé de matière et d’un principe qui lui donne la forme (puisque la matière même des éléments prise en elle-même n’a pas de forme[1]), on est conduit à se demander d’où la matière tient sa forme, et à rechercher si l’âme est simple ou s’il y a en elle deux parties, dont l’une joue le rôle de matière et l’autre celui de forme[2], en sorte que la première partie soit semblable à la forme que reçoit l’airain d’une statue, et la seconde au principe qui produit la forme elle-même.

Transportant ce point de vue à la contemplation de l’univers, on s’élève à l’Intelligence, et on reconnaît en elle le créateur du monde, le Démiurge : c’est en recevant d’elle ses formes (μορφαὶ (morphai)) par l’intermédiaire d’un autre principe, de l’Âme universelle, que la substance [matérielle] est devenue eau, air, terre et feu ; d’un côté, l’Âme donne la forme aux quatre éléments du monde[3] ; de l’autre, elle reçoit de l’Intelligence les raisons [séminales][4], comme les âmes des artistes eux-mêmes reçoivent des arts les raisons qu’ils réalisent[5]. Ainsi, dans l’Intelligence il y a une partie qui est la forme de l’Âme : c’est l’Intelligence considérée comme forme ; il y en a une autre qui donne la forme (comme l’artiste donne à l’airain la forme de la statue) et qui possède en soi tout ce qu’elle donne[6]. Or

  1. Voy. Enn. II, liv. IV, § 6 ; t. I, p. 201.
  2. L’âme raisonnable est avec l’intelligence pure dans le même rapport que la matière avec la forme. Voy. Enn. III, liv. IX, n° 5 ; t. II, p. 254.
  3. Voy. Enn. II, liv. IX, § 12, t. II, p. 291 ; et Enn. IV, liv. IV, § 14, t. II, p. 350.
  4. Voy. Enn. II, liv. III, § 17-18 ; et liv. IX, § 2-3 ; t. I, p. 191-193, et p. 262-263. Voy. encore ci-après Enn. VI, liv. IV, § 9.
  5. Sur les divers sens que le mot raison a dans Plotin, Voy. le tome I, p. 101, note 1 ; p. 189, note 4 ; p. 197, note 1 ; p. 240, note 2 ; p. 249, note 2.
  6. Voy. Enn. IV, liv. IV, § 10-12 ; t. II, p. 344-349.