Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/570

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
509
LIVRE HUITIÈME.

semblent indiquer une tendance vers autrui, l’absence d’un obstacle, la coexistence d’autres êtres qui tendent aussi aux mêmes choses sans entrave. Or il ne faut attribuer aucune tendance au Bien : car il est ce qu’il est avant toutes les autres choses, puisque nous ne disons pas même de lui : Il est[1], afin de n’établir aucun rapport entre lui et les êtres. Il ne faut pas dire non plus de lui : selon sa nature (ὡς πέφυϰε (hôs pephuke)) ; cette expression indique une chose postérieure. Si on l’applique aussi aux intelligibles, ce n’est qu’en tant qu’ils procèdent d’un autre principe ; c’est ainsi qu’elle s’applique à l’Essence, parce qu’elle est née du Bien (ἐξ ἑϰεινου ἔφυ (ex ekeinou ephu)). Mais si nature (φύσις (phusis)) se dit des choses qui sont dans le temps, elle ne saurait s’affirmer de l’Essence : car dire que l’Essence n’existe point par elle-même, ce serait lui enlever l’existence ; or, dire qu’elle tient d’une autre chose son existence, c’est dire qu’elle n’existe point par elle-même. Il ne faut pas dire non plus du Bien : Il est ainsi par accident (οὕτως συνέϐη (houtôs sunebê)), ni parler de contingence à son égard : car il n’est contingent ni pour lui-même, ni pour les autres êtres ; la contingence ne se trouve que dans les êtres multiples qui, étant déjà une chose, en sont devenus une autre par accident. Comment donc le Premier pourrait-il être par accident ? car il n’est pas arrivé fortuitement [à être ce qu’il est] de telle sorte qu’on puisse demander : Comment est-il arrivé là ? Aucun hasard ne l’a amené [à être ce qu’il est] et ne lui a donné l’existence : car le hasard et la fortune n’existaient pas avant lui, puisque le hasard et la fortune proviennent eux-mêmes d’une cause et ne se trouvent que dans les choses qui deviennent[2].

IX. Si quelqu’un cependant appliquait à Dieu le terme de contingence, il ne faudrait pas s’arrêter au mot, mais

  1. Voy. ci-dessus liv. VII, § 38, p. 482.
  2. Voy. Jamblique, Lettre à Macédonius sur le Destin, § 5 ; dans notre tome II, p. 671.