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SIXIÈME ENNÉADE.

s’attacher à bien comprendre quel sens y attache celui qui l’emploie. Que conçoit-il donc ? Veut-il dire que le Premier est un principe qui a une telle nature et une telle puissance ; que s’il avait eu une autre nature, il aurait encore été un principe conforme à la nature qu’il aurait eue ; enfin que, s’il avait été moins parfait, il aurait agi conformément à son essence ? — À une pareille assertion nous répondrons qu’il était impossible que le Principe de toutes choses fût contingent, et non-seulement qu’il fût moins parfait par accident, mais encore qu’il fût bon par accident, ou bon d’une autre manière, comme une chose moins complète. Le Principe de toutes choses doit être meilleur qu’elles, par conséquent, être déterminé : je dis déterminé, en ce sens qu’il est d’une manière unique (μοναχῶς (monachôs)), mais ce n’est pas par l’effet de la nécessité ; car la nécessité n’existait pas avant lui. Elle ne se trouve que dans les êtres qui suivent le Premier principe, et encore celui-ci ne leur impose-t-il nulle contrainte. C’est par lui-même que le Premier est d’une manière unique. Il ne saurait être autre qu’il est : il est ce qu’il fallait qu’il fût ; il ne l’est point par accident ; il l’est parce qu’il devait l’être ; or Celui qui est ce qu’il devait être est le principe des choses qui devaient exister. Il n’est donc pas ce qu’il est par accident, ni d’une manière contingente ; il est ce qu’il fallait qu’il fût ; encore même le terme il fallait est-il impropre. Mais les autres êtres doivent attendre [pour s’en former une conception], que leur Roi leur apparaisse, et n’affirmer de lui que ce qu’il est, savoir : qu’il n’apparaît pas comme une chose fortuite, mais comme le vrai Roi, le vrai Principe, le vrai Bien. Il ne faut même pas dire de lui qu’il agit conformément au bien (car alors il semblerait subordonné à un autre principe), mais qu’il est uniquement ce qu’il est. Il n’est donc pas conforme au bien, il est le Bien même.

D’ailleurs, il n’y a rien de contingent, même [dans ce qui est au-dessous du Premier] dans l’Être en soi : car s’il