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LIVRE HUITIÈME.

ne saurait en aucune manière faire partie des choses éternelles. Ainsi, puisqu’il n’y a rien ayant Dieu, et qu’il est le premier, il faut nous arrêter à ce principe et ne plus en rien dire, mais plutôt examiner comment ont été engendrés les êtres qui sont après lui. Quant à lui, il n’y a pas lieu de se demander comment il a été engendré, puisqu’il n’a réellement pas été engendré.

Puisqu’il n’a pas été engendré, supposons qu’étant tel qu’il est il ne soit pas maître de son essence. S’il n’est pas maître de son essence, si, étant ce qu’il est, il ne s’est pas donné l’existence à lui-même, mais se borne à user de ce qu’il a, il en résulte qu’il est nécessairement ce qu’il est, et qu’il n’aurait pu être autre qu’il est. — Dieu est ce qu’il est, non parce qu’il n’aurait pu être autrement, mais parce qu’étant ce qu’il est, il est excellent. En effet, si l’on n’est pas toujours maître de devenir meilleur, on n’est jamais empêché par un autre de devenir pire. Donc, si Dieu n’est pas sorti de lui-même, il le doit à lui seul et non à un empêchement extérieur ; c’est qu’il est essentiellement ce qui n’est pas sorti de soi-même. L’impossibilité de devenir pire n’est pas une marque d’impuissance, parce que, si Dieu ne devient pas pire, c’est de lui et par lui qu’il ne le devient pas. S’il n’aspire à rien d’autre que lui-même, il a par cela même le plus haut degré de la puissance, puisqu’il n’est pas soumis à la Nécessité, mais qu’il est lui-même pour les autres êtres la Nécessité et la Loi. — La Nécessité s’est-elle donc donné à elle-même l’existence ? — Non, elle n’est même pas arrivée à l’existence. Toutes les choses qui sont après le Premier existent par lui. Comment donc Celui qui est avant l’existence aurait-il reçu l’existence, soit d’un autre principe, soit de lui-même ?

XI. Qu’est donc ce principe dont on ne peut pas même dire qu’il subsiste[1] (τὸ μὴ ύποστάν (to mê hupostan)) ? — Il faut abandonner ce

  1. On peut rapprocher de ce passage le morceau suivant de saint Augustin : « Si tamen dignum est ut Deus dicatur subsistere : de