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SIXIÈME ENNÉADE.

XV. Il est à la fois et ce qui est aimable et l’amour ; il est l’amour de lui-même : car il n’est beau que par lui-même et en lui-même. S’il coexiste à lui-même (τὸ συνεῖναι ἑαυτῷ (to suneinai heautô)), c’est à condition qu’en lui la chose qui coexiste et celle avec laquelle elle existe soient identiques. Or, comme en lui la chose qui coexiste et celle avec laquelle elle existe ne font qu’un en effet, comme en lui encore ce qui désire ne tait qu’un avec ce qui est désirable, et que ce qui est désirable remplit le rôle d’hypostase et de sujet, ici encore nous apparaît l’identité du désir et de l’essence. S’il en est ainsi, c’est évidemment encore Lui qui est l’auteur de lui-même et le maître de lui-même ; par conséquent, il n’a pas été fait tel que l’aurait voulu quelque autre être, mais il est tel qu’il le veut lui-même.

Quand nous affirmons que Dieu ne reçoit rien en lui et n’est reçu par aucun autre être, nous établissons encore par là qu’il n’est point fortuitement ce qu’il est, non-seulement parce qu’il s’isole et se pose comme pur de toutes choses (τῷ μονοῦν ἑαυτὸν ϰαὶ τῷ ϰαθαρὸν ποιεῖν ἁπάτων (tô monoun heauton ka tô katharon poiein hapatôn)), mais encore parce que nous voyons parfois que notre nature a quelque chose de semblable, quand elle se trouve dégagée de tout ce qui nous est attaché et nous soumet à l’empire de la fortune et de la fatalité (car toutes les choses que nous appelons nôtres sont dépendantes, subissent la loi de la fortune et nous arrivent fortuitement) ; C’est de cette manière seule qu’on est maître de soi et qu’on possède le libre arbitre, en vertu d’un acte de la lumière qui a la forme du Bien, d’un acte du Bien qui est supérieur à l’intelligence, d’un acte, dis-je, qui n’est pas adventice, qui est au-dessus de toute pensée. Lorsque nous nous serons élevés là, que nous serons devenus cela seul, en laissant tout le reste, ne dirons-nous pas que nous sommes alors au-dessus même de la liberté et du libre arbitre ? Qui pourrait nous soumettre alors au hasard, à la fortune, à la contingence, puisque nous serons devenus la vie véritable, ou plutôt que nous