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SIXIÈME ENNÉADE.

l’intelligence, à la vie sage ; elle est Lui. Il est donc un acte supérieur à la vie, à l’intelligence, à la sagesse : celles-ci procèdent de lui, de lui seul. C’est donc de lui-même et par lui-même qu’il a l’être ; par conséquent, il est non ce qu’il s’est trouvé être fortuitement, mais ce qu’il a voulu être.

XVII. En voici encore une preuve. Nous disons que le monde et les êtres qu’il contient sont ce qu’ils seraient si leur production eut été l’effet d’une détermination volontaire de leur auteur, ce qu’ils seraient encore si Dieu, faisant usage d’une prévision et d’une prescience basée sur le raisonnement, eût réalisé son œuvre selon la Providence[1]. Or, comme de toute éternité ces êtres sont ou deviennent ce qu’ils sont, il doit y avoir également de toute éternité dans les êtres coexistants[2] des raisons qui subsistent dans un plan plus parfait [que celui de notre univers][3] ; par conséquent, les intelligibles sont au-dessus de la Providence, du choix, et toutes les choses qui sont dans l’Être y subsistent éternellement d’une existence tout Intellectuelle. Si l’on donne le nom de Providence au plan de l’univers, que du moins l’on conçoive bien que l’Intelligence immanente est antérieure à l’univers, que celui-ci procède d’elle et lui est conforme[4].

Puisque l’Intelligence est ainsi antérieure à toutes choses, puisque celles-ci ont pour principe une telle Intelligence, ce n’est pas non plus par hasard que l’Intelligence est ce qu’elle est ; car, si d’un côté elle est multiple, d’un autre

  1. Voy. ci-dessus liv. VII, § 1, p. 409.
  2. Kirchhoff remplace ici συνοῦσι (sunousi) par ποιοῦσι (poiousi), dans les êtres qui produisent. Ce changement, que n’autorisent pas les manuscrits, ne nous paraît pas nécessaire au sens.
  3. Dans le § 18, p. 529, Plotin explique le terme de raisons en disant : « L’Un contient à la fois toutes les causes intellectuelles qui doivent naître de lui. »
  4. Pour le développement de cette idée, Voy. Enn. III, liv. II, § 1 ; t. II, p. 21. C’est là que Plotin explique l’étymologie qu’il donne du mot πρόνοια (pronoia), Providence, étymologie à laquelle il fait ici allusion.