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LIVRE HUITIÈME.

côté elle est dans un accord parfait avec elle-même, en sorte qu’elle forme une unité par la coordination des éléments qu’elle renferme. Un tel principe qui est à la fois multiple et multitude coordonnée, qui renferme toutes les raisons en les embrassant dans sa propre universalité, ne saurait être ce qu’il est par l’effet de la fortune et du hasard ; ce principe doit avoir une nature tout opposée, qui diffère de la contingence autant que la raison diffère du hasard, lequel consiste dans le défaut de raison. Si au-dessus de l’intelligence est le Principe [par excellence], l’Intelligence, telle que nous l’avons décrite, est voisine de ce Principe, elle lui est conforme, elle participe de lui, elle est telle qu’il le veut, telle que le veut sa puissance. Dieu, étant indivisible, est donc raison une qui embrasse tout (εἶς πάντα λόγος (eis panta logos)), nombre un, [Dieu] un plus grand et plus puissant que tout ce qu’il a engendré ; il n’y a enfin rien de plus grand, de plus puissant que lui. Il ne tient donc d’autrui ni l’être ni le privilége d’être tel qu’il est. Il est donc par lui-même ce qu’il est pour lui-même et en lui-même, sans aucune relation avec le dehors ni avec aucun autre être, mais tourné tout entier vers lui-même.

XVIII. En cherchant ce principe, ne cherchez rien hors de lui ; cherchez en lui tout ce qui est après lui, mais n’essayez pas de le pénétrer lui-même : car Lui, il est le dehors (τὸ ἔξω (to exô)), parce qu’il comprend toutes choses (περίληψις πάντων (perilêpsis pantôn)) et en est la mesure[1] ; il est aussi le dedans, parce qu’il est la profondeur la plus intime de toutes choses (ἣ εἴσω ἐν βάθει (hê eisô en bathei)). Ce qui est hors de lui, ce qui le touche en quelque sorte circulairement et lui reste suspendu, c’est la Raison, l’intelligence ; celle-ci même n’est Intelligence que parce qu’elle le touche, qu’autant qu’elle le touche, qu’elle lui est suspendue[2] : car c’est de lui

  1. Cette dernière expression est empruntée à Platon, Lois, liv. IV.
  2. Cette expression rappelle celle d’Aristote : « Tel est le principe