Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 1, 1870.djvu/195

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flexible, il a soin de se façonner; il s'étudie à composer son masque, à se contrefaire, à devenir, par l'imitation, semblable à ceux qu'il veut tromper. Rien n'égale la facilité avec laquelle il se métamorphose et prend toutes les physionomies, de la manière la plus propre à donner le change. C'est bien de lui que l'on peut dire : C'est Achille lui-même, et non le fils d'Achille. Mais signalons ce qui dans tout son manége est le plus artificieux. Sachant que la franchise est dite et réputée le langage propre de l'amitié comme un animal a le sien, et sachant d'autre part que le manque de franchise dénote un cœur bas et dépourvu de sentiments affectueux, il ne néglige pas non plus de la simuler et d'en imiter les dehors. De même que les cuisiniers habiles mêlent des sucs amers ou des saveurs âpres aux aliments trop doux afin de les empêcher d'être fades ; de même les flatteurs emploient une sorte de franchise, aussi peu sincère que profitable, qui fait mine de rouler de grands yeux, de froncer le sourcil, mais qui chatouille seulement à la surface. Voilà donc pourquoi le personnage est difficile à surprendre, comme certains animaux qui ont naturellement la propriété de changer de couleur pour prendre la teinte des corps ou des lieux sur lesquels ils se trouvent. Mais puisqu'il trompe et qu'il se dissimule par ces faux semblants, notre office est de le dévoiler, de signaler les différences qui le caractérisent, de le mettre à nu quand il s'est, comme dit Platon, paré des couleurs et des formes d'autrui faute d'en avoir qui lui soient personnelles.

[6] A cet effet observons les choses dès le principe. Le commencement de l'amitié tient le plus souvent, nous l'avons dit, à ce que l'on se trouve avoir pris à peu près les mêmes habitudes, les mêmes mœurs les uns et les autres, à ce que l'on se plaît aux mêmes études, aux mêmes affaires, aux mêmes occupations; enfin, à ce qu'il y a similitude et de