Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 1, 1870.djvu/202

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[10] Mais réservons ces détails pour la partie de notre traité qui leur est spéciale. Il est toutefois, en matière d'imitations, un artifice du flatteur que nous ne devons pas omettre : c'est que, s'il copie quelque bonne qualité de celui qu'il flatte, il conserve toujours à celui-ci la supériorité. Car les véritables amis ne sont animés mutuellement d'aucune rivalité, d'aucune jalousie : que leurs succès soient égaux ou qu'ils soient moindres, ils n'en conçoivent ni impatience ni orgueil. Mais le flatteur, se souvenant toujours qu'il remplit un rôle secondaire, reste, dans son imitation, au-dessous de l'égalité; il consent à accepter en tout le rang inférieur et le désavantage, hormis dans le mal. Dans le mal il ne se laisse pas devancer. Si vous êtes de mauvaise humeur, il se dira mélancolique; si vous êtes superstitieux, il sera transporté de fanatisme ; si vous êtes amoureux, il sera fou par amour. «Vous avez ri plus que de raison", dira-t-il «mais moi, j'ai failli crever de rire". Pour les choses louables et honnêtes, c'est le contraire. Il déclare qu'il court bien, mais que vous avez des ailes; qu'il se tient convenablement à cheval, mais qu'il ne saurait le disputer à un hippocentaure tel que vous. «Je suis bon poète», dira-t-il, «et je ne tourne pas mal un hémistiche, "Mais je n'ai point la foudre : elle est à Jupiter." De cette façon, en même temps qu'il paraît mettre en relief chez un autre le talent préféré par cet autre et que lui-même imite, il montre, en restant inférieur, qu'il ne saurait le posséder à un degré semblable. Voilà, pour ce qui est des imitations, quelles sont les différences entre le flatteur et l'ami.

[11] Mais une chose encore, avons-nous dit, leur est commune, à savoir le plaisir qu'ils donnent, puisque l'homme de bien n'est pas moins heureux de ses amis que le