Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 1, 1870.djvu/220

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où il y a putréfaction et inflammation de l'àme. Êtes-vous en colère? "Châtiez», dira-t-il. Convoitez-vous? "Achetez". Avez-vous peur? «Fuyons». Concevez-vous quelques soupçons? «Ajoutez-y foi». Si en ces sortes de passions il est plus difficile d'apprécier l'influence du flatteur parce qu'elles sont trop violentes et trop fortes pour laisser le libre usage de la raison, il sera plus aisé de le surprendre quand il s'agira de moins puissantes affections, attendu que constamment il est le même. Par exemple, vous soupçonnez que vous avez trop bu ou que vous vous êtes donné une indigestion, et vous hésitez à entrer dans un bain ou à prendre de la nourriture. L'ami vous retiendra, vous recommandant l'abstinence et la réserve. Mais le flatteur vous entraînera au bain, il vous ordonnera de vous faire servir quelque plat nouveau, et «de ne pas vous macérer le corps par une diète trop rigoureuse». S'agit-il d'un voyage, d'une traversée, de n'importe quel acte auquel il vous verra répugner par mollesse ; il dira que le moment ne presse pas, que la chose s'exécutera tout aussi bien en la différant ou si c'est un autre que l'on envoie. Vous vous êtes engagé envers un de vos amis à lui prêter ou à lui donner de l'argent. Vous changez d'avis, mais vous êtes retenu par la honte. Le flatteur s'ajoutera au pire plateau de la balance, et fera pencher votre décision du côté de votre bourse. Il battra en brèche vos scrupules, en disant que vous dépensez beaucoup, «qu'il vous faut suffire à beaucoup de gens, et qu'il vous engage à faire des économies.» De telle sorte, que si nous ne voulons pas nous cacher à nous-mêmes que nous sommes pleins de convoitise, éhontés ou pusillanimes, nous ne serons pris à aucun de ces artifices du flatteur. Car ce sera toujours en faveur de ces sortes de faiblesses qu'il plaidera, et c'est pour nous les faire outrepasser qu'il déploie sa franchise. C'en est assez sur cette matière.

[21] Venons maintenant aux services à rendre et aux bons offices. Ici encore le flatteur s'efforce de donner largement