Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 1, 1870.djvu/224

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être animé qui contient au-dedans de soi ses propriétés essentielles sans rien donner à la montre et à l'apparat. Souvent, de même qu'un médecin guérit certains malades à leur insu, un ami vous aura rendu service par une entrevue, ou bien par une transaction prudemment ménagée, et il aura pris vos intérêts en vous le laissant ignorer. Telle fut la conduite que, dans une circonstance entr'autres, tint Arcésilas. Il était allé voir Apelle de Chios, alors malade, et avait eu occasion de reconnaître le dénûment de son ami. Il ne tarda pas à revenir, rapportant vingt drachmes; et s'installant auprès de lui : "Il n'y a ici, dit-il, que les éléments d'Empédocle, "L'air circulant partout, le feu, la terre et l'eau"; et tu n'es pas même couché convenablement.» En disant ces mots, il souleva l'oreiller du malade, et furtivement y glissa la petite somme. La vieille servante d'Apelle la trouva bientôt, et elle en informa son maître avec admiration. Mais celui-ci se mit à sourire, et s'écria : "C'est un tour d'Arcésilas». Du reste, en matière de philosophie, les enfants naissent semblables à leurs pères. Lacydès, disciple de ce même Arcésilas, assistait avec d'autres amis Céphisocrate qui, assigné en justice, était venu se disculper devant le tribunal. L'accusateur ayant demandé l'anneau de Céphisocrate, celui-ci le laissa doucement tomber à terre. Lacydès s'en aperçut, et mettant le pied sur l'anneau, il le déroba aux regards. Or ce bijou constituait la preuve de l'accusation. Céphisocrate fut donc déclaré innocent ; mais au moment où il remerciait les juges, un des assistants qui avait sans doute observé ce manége, lui raconta le fait, et lui dit : «C'est Lacydès que tu dois remercier». Quant à celui-ci, il n'en