Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 1, 1870.djvu/677

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gnages d’honneur et de reconnaissance qui convenaient à ses éminents services. Combien ne doit-on pas admirer chez ces femmes leur silence, leur sang-froid, et l’unanimité qu’elles montrèrent ! Pas une seule d’entr’elles, dans un si grand nombre, ne céda, même par une faiblesse involontaire, à un mouvement de lâcheté.


TYRRHÉNIENNES.

Des Tyrrhéniens ayant occupé Lemnos etImbros, enleverent de Brauron[1] des femmes Athéniennes. Ils eurent d’elles des enfants que les Athéniens expulsèrent de l’une et de l’autre île, comme étant à moitié barbares. Ces bannis, qui s’étaient rejetés sur Ténare, eurent occasion de rendre des services aux Spartiates dans la guerre contre les Hilotes ; et par reconnaissance on leur accorda le droit de cité. On leur permit aussi d’épouser des femmes de Sparte, sans cependant les admettre aux magistratures et dans le conseil. Plus tard ils furent soupçonnés de se réunir en assemblées secrètes faire une révolution et de méditer le renversement de ce qui était établi. Les Lacédémoniens se saisirent d’eux. On les jeta en prison et on les y garda rigoureusement, en même temps qu’on cherchait à établir leur culpabilité sur des preuves évidentes et solides. Cependant les femmes des incarcérés se présentèrent à la prison. À force d’instances et de prières, elles obtinrent des gardiens la faveur d’embrasser leurs maris et de leur adresser quelques mois. Elles n’eurent pas été plus tôt introduites, qu’en un instant elles les déterminèrent à changer bien vite de vêtements avec elles, à leur laisser ceux qu’ils portaient, et à sortir en se cachant le visage. Eux partis, elles se résignèrent à demeurer là, préparées à toutes les extrémités les plus terribles, pendant que les gardiens abusés et croyant laisser sortir les femmes ouvraient les portes aux maris. A la suite de leur évasion, ces derniers étant allés occuper le Taygète, pour

  1. Ainyot : « du bourg de Lauria. »