Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 1, 1870.djvu/683

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des autres, allant jusqu’à leur laver les pieds. Souvent il arrivait que plusieurs jeunes gens s’éprissent d’une même fille, mais c’était un amour discret et honnête. Aussitôt qu’elle devenait la fiancée de l’un d’eux, les autres cessaient immédiatement leurs assiduités. Ce qui donnera d’une manière générale une idée de la chasteté de ces femmes, c’est que durant l’espace de sept cents ans il ne fut mention ni d’un seul adultère, ni d’une seule séduction consommée en dehors du mariage.

AUTRES PHOCÉENNES[1].

Les Tyrans de la Phocide s’étaient emparés de Delphes, et à cette occasion les Thébains leur faisaient la guerre dite « guerre sainte. » Une certaine nuit les femmes vouées au culte de Bacchus, et que l’on appelle Thyiades[2], emportées par leur délire furieux, entrèrent, sans avoir conscience de ce qu’elles faisaient, dans la ville d’Amphisse. Elles étaient excédées de fatigue ; et la raison ne leur étant pas encore revenue, elles s’étendirent sur la place publique, s’y couchèrent pêle-mêle et s’endormirent. Mais les femmes d’Amphisse eurent peur qu’à cause de l’alliance de la ville avec les Phocéens et de la présence des nombreux soldats de leurs tyrans ces Thyiades ne fussent l’objet de traitements indignes. Elles sortirent toutes de chez elles, et coururent à la place publique. Là elles les entourèrent en silence, sans troubler leur repos. Puis à leur réveil elles leur prodiguèrent chacune leurs soins et leur présentèrent de la nourriture. Enfin, autorisées par le consentement de leurs maris, elles les reconduisirent en toute sûreté jusqu’à ce qu’elles eussent repassé les limites du territoires[3].

  1. Le deuxième de tous ces récits est intitulé aussi Phocéennes. Wyttembach voudrait que celui-ci fût intitulé plutôt : Amphissiennes.
  2. Amyot ajoute : « qui vault autant à dire comme les forsenées. »
  3. Amyot : « jusqu’aux montagnes. »