Page:Plutarque - Vies, traduction Ricard, 1829, tome 1.djvu/453

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en prouver l’anachronisme. Mais un trait si généralement répandu, confirme par un si grand nombre de témoins, si analogue d’ailleurs aux mœurs de Solon, si digne de sa sagesse et de sa grandeur d’âme, ne doit pas être rejeté par la seule raison qu’il ne s’accorde pas avec quelques tables chronologiques que mille savants jusqu’à nos jours ont entrepris de réformer, sans avoir pu en concilier les contradictions. Solon donc étant allé à Sardes, à la prière de Crésus fit à peu près comme cet homme, né dans le continent, qui, la première fois qu’il alla voir la mer, prenait pour elle chaque rivière qu’il rencontrait sur sa route ; de même Solon, lorsqu’en traversant les appartements du palais il vit une foule de seigneurs magnifiquement vêtus, qui marchaient avec faste, entourés de gardes et de courtisans, il les prenait tous pour Crésus. Enfin il arriva jusqu’à ce prince, qui, pour se faire voir dans toute sa majesté, s’était paré ce jour-là de ce qu’il avait de plus précieux et de plus recherché en pierreries, en étoffes de diverses couleurs brodées en or, où la beauté du travail le disputait à la richesse de la matière. Solon, en paraissant devant Crésus, ne fit et ne dit, contre l’attente de ce prince, rien qui marquât la surprise et l’admiration ; il donna même à connaître aux gens sensés qu’il méprisait tout cet