Page:Plutarque - Vies, traduction Ricard, 1829, tome 3.djvu/334

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qu’il n’avait rien des ouvrages de ce poète, Alcibiade lui donna un soufflet et sortit. Un autre grammairien lui ayant dit qu’il avait un Homère corrigé de sa main : « Eh ! quoi, lui dit Alcibiade, tu es capable de corriger Homère, et tu montres la grammaire à des enfants ? Que ne formes-tu plutôt des hommes ? » Il alla un jour chez Périclès ; et ayant frappé à sa porte, on lui dit qu’il était occupé, qu’il travaillait à rendre ses comptes : « Ne ferait-il pas mieux, dit Alcibiade en s’en allant, de travailler à ne pas les rendre ? »

VIII. Il était dans sa première jeunesse lorsqu’il alla à l’expédition de Potidée. Tant qu’elle dura, il logea dans la tente de Socrate, et ne le quitta jamais dans les combats. À une grande bataille qui se donna, ils se conduisirent tous deux très vaillamment ; et Alcibiade ayant été renversé d’une blessure qu’il avait reçue, Socrate se mit devant lui, et le défendit avec tant de courage à la vue de toute l’armée, qu’il empêcha les ennemis de se rendre maîtres de sa personne et de ses armes. Le prix de la valeur était incontestablement dû à Socrate ; mais les généraux ayant témoigné le désir d’en déférer l’honneur à Alcibiade, à cause de sa haute naissance, Socrate, qui voulait augmenter en lui son émulation pour la véritable gloire, fut le