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CATON.

à bon marché ; qu’une chose dont on peut se passer, ne coûtât-elle qu’une obole[1], est toujours chère ; qu’il faut préférer les terres où il y a beaucoup à semer et à faire des élèves, à celles qui demandent d’être souvent ratissées et arrosées.

VII. Les uns regardaient cette conduite comme un effet de son avarice ; d’autres disaient qu’en se resserrant dans des bornes si étroites, il avait en vue de corriger ses concitoyens et de les porter à la frugalité. J’avoue cependant que se servir de ses esclaves comme de bêtes de somme, les chasser ou les vendre quand ils sont devenus vieux, c’est en agir trop durement ; c’est avoir l’air de croire que le besoin seul et l’intérêt lient les hommes entre eux. Mais peut-on ignorer que la bonté s’étend beaucoup plus loin que la justice ? que si nous observons les lois et l’équité envers les hommes, les animaux eux-mêmes sont l’objet de la bienfaisance et de la bonté, sentiments qui découlent de cette riche source d’humanité que la nature a mise en nous ? Ainsi, nourrir des chevaux ou des chiens lors même qu’ils sont épuisés de travail, ou quand ils ont vieilli, c’est le propre d’un homme naturellement bon.

  1. Trois sous.