Page:Plutarque - Vies, traduction Ricard, 1829, tome 7.djvu/102

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les combats ; il parlait d'une voix forte, et poussait des cris de victoire : tant sa jalousie naturelle et sa soif de commander avaient allumé dans son âme un désir insurmontable d'être chargé de cette guerre ! Tel était l'excès de son ambition, qu'à l'âge de soixante-dix ans, étant le premier des Romains qui eût été sept fois consul, possédant des richesses qui auraient pu suffire à plusieurs rois, il se plaignait de la fortune, comme si elle l'eût fait mourir pauvre, et avant d'avoir obtenu ce qu'il désirait. Platon, au contraire, étant sur le point de mourir, remercia son génie et la fortune de ce qu'il était né homme et non animal, Grec et non Barbare ; mais surtout de ce que sa vie avait concouru avec celle de Socrate. Antipater de Tarse, se rappelant aussi, peu d'instants avant sa mort, ce qu'il avait eu d'heureux dans sa vie, n'oublia pas sa navigation favorable de sa patrie à Athènes ; il savait gré à la fortune de ses moindres faveurs, et les conserva jusqu'à la fin dans sa mémoire, le dépositaire le plus fidèle à qui l'homme puisse confier ses biens.

51. Mais les ingrats et les insensés laissent s'écouler avec le temps le souvenir de tout ce qui leur arrive. Comme ils ne mettent rien en réserve dans leur mémoire, toujours vides de biens présents, toujours remplis d'espérances,