Page:Plutarque - Vies, traduction Ricard, 1829, tome 7.djvu/196

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

plus de dix livres pesant de vaisselle d’argent ; et cette contravention à la loi le fit chasser du sénat. Ses descendants vécurent depuis dans l’obscurité, et Sylla lui-même fut élevé dans un état de fortune très médiocre. Pendant sa jeunesse, il occupait une maison de louage d’un prix modique ; et c’est ce qu’on lui reprocha dans la suite, lorsqu’il fut parvenu à une opulence pour laquelle il n’était pas né. Un jour qu’après sa guerre d’Afrique il se vantait lui-même avec complaisance : « Comment seriez-vous homme de bien, lui dit un des premiers et des plus honnêtes citoyens, vous qui, n’ayant rien eu de votre père, possédez aujourd’hui une fortune immense ? » Quoique alors les Romains eussent dégénéré de la droiture et de la pureté de mœurs de leurs ancêtres, et qu’ils eussent ouvert leur cœur à l’amour du luxe et de la somptuosité, c’était encore aussi un grand sujet de reproche de dissiper sa fortune et de ne pas conserver la pauvreté de ses pères. Lorsque, devenu maître de Rome, il y faisait périr tant de citoyens, un fils d’affranchi, qui, soupçonné d’avoir donné asyle chez lui à l’un des proscrits, allait être, pour cela seul, précipité de la roche Tarpéienne, lui rappela qu’ils avaient logé longtemps dans la même maison, dont il louait le haut deux mille sesterces, et