Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/106

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femme son mari. Ce sont les plus habiles gens, en Grèce, qui connaissent le nom du premier parricide. Tout le monde, à Rome, sait que Spurius Garvilius fut le premier qui répudia sa femme : encore en donna-t-il pour raison sa stérilité. Ce témoignage d’une si longue suite d’années est confirmé par les événements qui suivirent l’enlèvement. Le résultat de ces unions fut le partage de l’autorité souveraine entre les deux rois, et des droits civiques entre les deux peuples. Les mariages de Thésée, au contraire, furent, pour les Athéniens, une occasion non point d’amitié ou d’alliance avec d’autres peuples, mais d’inimitiés, de guerres, de morts violentes. Ils finirent même par perdre Aphidnes ; et ce ne fut qu’à grand’peine, et après s’être jetés aux genoux de leurs ennemis et les avoir invoqués comme des dieux, qu’ils durent à leur pitié de ne pas subir le sort qu’Alexandre[1] attira depuis sur les Troyens. La mère de Thésée n’en fut pas quitte pour le danger : abandonnée et trahie par son fils, elle eut la destinée d’Hécube ; si pourtant cette captivité n’est pas une fable, comme on désirerait qu’il y eût là un mensonge, et aussi dans plusieurs autres traits de la vie de Thésée. D’ailleurs, la conduite attribuée aux dieux envers Thésée et Romulus met entre eux une grande différence. Romulus, à sa naissance, fut sauvé par une signalée protection de la divinité ; tandis que l’oracle qui défendait à Égée d’approcher d’aucune femme sur la terre étrangère semble prouver que c’est contre la volonté des dieux que Thésée vint au monde.

  1. C’est le nom que les poëtes grecs donnent ordinairement à Pâris.