Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/137

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pagne dans des litières : « À Dieu ne plaise, dit-il, que je m’asseye jamais en une place d’où je ne pourrais me lever devant un vieillard ! » Tel était leur sentencieux langage. Aussi a-t-on pu dire, avec raison, que laconiser consiste moins dans l’application aux exercices du corps, que dans l’amour de la sagesse.

Ils s’adonnaient à l’étude du chant et à la poésie lyrique avec la même ardeur qu’ils mettaient à chercher l’élégance et la pureté du langage. Il y avait, dans leurs chants, un aiguillon qui excitait le courage, et qui inspirait l’enthousiasme et les belles actions. Le style en était simple et mâle, les sujets graves et propres à former les mœurs. C’était, le plus souvent, l’éloge et l’apothéose de ceux qui étaient morts pour Sparte ; c’était la censure de ceux qui avaient montré de la peur, et dont on dépeignait la vie triste et malheureuse ; c’était, selon la convenance des âges, ou la promesse d’être un jour vertueux, ou le fier témoignage de l’être maintenant. Il ne sera pas hors de propos d’expliquer ma pensée par un exemple. Dans les fêtes publiques, il y avait trois chœurs, suivant les trois différents âges. Le chœur des vieillards entonnait ainsi le chant :

Nous avons été jadis jeunes et braves.


Le chœur des jeunes gens répondait :

Nous le sommes maintenant. Approche, tu verras bien !


Le troisième chœur, celui des enfants, disait, à son tour :

Et nous un jour le serons, et bien plus vaillants encore.


En général, si l’on examine les poésies des Lacédémoniens, dont quelques-unes se sont conservées jusqu’à nous, et les airs militaires qu’ils chantaient sur la flûte quand ils marchaient à l’ennemi, on reconnaîtra que