Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/143

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guerrier de magnifiques éloges ; et Sparte, à les entendre, n’avait plus de citoyen aussi brave : « Ne dites pas cela, mes amis, dit Argiléonis. Brasidas était un homme de cœur ; mais Lacédémone a bien d’autres citoyens plus braves encore que Brasidas. »

Lycurgue, comme nous l’avons dit, avait d’abord composé le sénat de ceux qui l’avaient secondé dans son entreprise. Plus tard, il régla qu’à la mort d’un sénateur, on choisirait, pour le remplacer, le plus vertueux des citoyens qui auraient passé soixante ans. C’était bien la lutte la plus glorieuse qui fût au monde, et la plus digne de l’effort des adversaires. Là, il ne s’agissait pas de choisir entre les agiles le plus agile, entre les forts le plus fort, mais le plus sage et le plus vertueux entre les vertueux et les sages[1]. Et c’était pour jouir, en quelque façon, durant la vie entière, du prix de la vertu : ce prix, c’était une souveraine autorité dans l’État, le droit de disposer de la mort et de la réputation des citoyens, et, en un mot, de leurs plus grands intérêts.

Voici comment se faisait l’élection.

Le peuple s’assemblait sur la place publique : des hommes choisis s’enfermaient dans une maison voisine, d’où ils ne pouvaient voir personne, et où on ne pouvait les apercevoir ; ils entendaient seulement les acclamations de l’assemblée, car c’était par des cris que le peuple, comme dans les autres cas, donnait son suffrage. Les compétiteurs n’étaient pas introduits tous à la fois dans l’assemblée : ils traversaient la place l’un après l’autre, en silence, selon le rang que le sort leur avait désigné. Ceux qui étaient enfermés dans la maison marquaient à chaque fois, sur des tablettes, le degré de l’acclamation, sans savoir pour lequel des candidats on criait, sinon que c’était pour le premier, pour le

  1. Plutarque a emprunté cette pensée à Xénophon.