Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/148

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miers mouvements[1], de même Lycurgue, charmé de la beauté et de la majesté de ses lois, et ravi de les voir, pour ainsi dire, marcher seules et remplir leur destination, désira leur assurer, autant que le pouvait l’humaine prévoyance, une durée immortelle et une inviolable immutabilité. Il assembla tous les citoyens : il leur dit que ce gouvernement était, sous tous les rapports, organisé comme il fallait, pour leur bonheur et leur vertu ; qu’il ne restait qu’un point, à la vérité le plus important de tous, et qu’il ne voulait le régler qu’après avoir consulté l’oracle d’Apollon. Il les exhorta donc à observer fidèlement les lois qu’il leur avait données, sans y rien changer ni altérer, jusqu’à son retour de Delphes, s’engageant à exécuter lui-même alors ce que le dieu aurait prescrit. Ils promirent tous une entière obéissance, et ils le pressèrent de partir. Lycurgue fit prêter serment aux deux rois et aux sénateurs, puis à tous les citoyens, de maintenir et de conserver, jusqu’à son retour, la forme de gouvernement qu’il avait établie ; et ensuite il partit pour Delphes. Arrivé auprès de l’oracle, il fit un sacrifice au dieu, et il demanda si ses lois étaient assez bonnes pour faire le bonheur des Spartiates, et pour les rendre vertueux. Apollon répondit que ces lois étaient excellentes, et que Sparte, tant qu’elle garderait les institutions de Lycurgue, resterait illustre entre toutes les cités[2].

Lycurgue mit par écrit la réponse de l’oracle, et il l’envoya à Lacédémone. Il fit ensuite un second sacrifice, embrassa ses amis et son fils ; et, afin de ne jamais dégager ses concitoyens du serment qu’ils avaient fait, il résolut de se laisser mourir. Il était à cet âge où l’homme est assez vigoureux pour vivre encore, et mûr aussi

  1. Voyez le Timée.
  2. Remarquons, en passant, que Delphes était en pays dorien, et qu’Apollon était l’objet particulier du culte des peuples d’origine dorienne, tels que les Lacédémoniens.