Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/156

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qu’il avait vu Romulus monter au ciel avec ses armes, et qu’il l’avait entendu ordonner qu’on l’appelât Quirinus.

Mais la question d’élire le nouveau roi fut, pour la ville, une autre source de troubles et de séditions. Les étrangers ne s’étaient pas encore incorporés avec les premiers citoyens ; il y avait, dans le peuple, des agitations intestines, et les patriciens eux-mêmes, divisés de sentiments, se suspectaient les uns les autres. Tous étaient d’accord qu’il fallait un roi ; mais ils étaient partagés et sur l’homme qu’on élirait, et sur celle des deux nations où on le prendrait. Ceux qui avaient, les premiers, habité Rome avec Romulus, trouvaient intolérable que les Sabins, qu’ils avaient admis au partage de la ville et du territoire, eussent la prétention de commander à ceux qui les y avaient appelés. Les Sabins, de leur côté, ne manquaient pas de raisons plausibles. Après la mort de leur roi Tatius, loin de se soulever contre Romulus, disaient-ils, ils l’avaient laissé paisiblement régner seul : ils demandaient qu’en revanche, on prît le roi dans leur nation. Quand on les avait reçus dans Rome, ils n’étaient pas inférieurs aux Romains, ajoutaient-ils ; et, en s’unissant avec eux, ils avaient accru considérablement leurs forces, et ils les avaient élevés à la dignité et à la puissance de cité. Telles étaient les causes du discord. Mais, de peur que la dissension ne mît tout sens dessus dessous, si l’exercice du pouvoir demeurait ainsi suspendu, les patriciens, qui étaient au nombre de cent cinquante[1], convinrent que chacun d’eux porterait à son tour les marques de la dignité royale, ferait aux dieux les sacrifices d’usage, et dépêcherait les affaires comme avait fait Romulus, six heures de la nuit et six heures du jour[2]. Cette distribution du temps

  1. Dans la Vie de Romulus Plutarque dit qu’ils étaient deux cents.
  2. Suivant d’autres, les sénateurs se distribuèrent par dizaines ; ils tiraient au sort la dizaine qui devait gouverner ; chacun des dix qui la composaient régnait cinq jours, et, au bout de cinquante jours, on tirait de nouveau au sort.