Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/177

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derrière soi quand on part pour un voyage. Ils prescrivaient de faire aux dieux célestes les offrandes par nombres impairs, et par nombres pairs aux dieux infernaux ; symboles dont ils cachaient au peuple le véritable sens. Certaines institutions de Numa contenaient de même un sens caché. Il avait défendu, par exemple, de faire des libations aux dieux avec le vin d’une vigne non taillée, et de sacrifier jamais sans farine ; il avait ordonné de tourner en rond en adorant les dieux, et de s’asseoir après les avoir adorés. Les deux premières ordonnances semblent recommander la culture de la terre, comme étant une partie de la religion. Le précepte de tourner en adorant les dieux avait, dit-on, pour objet d’imiter le mouvement de la rotation de l’univers ; mais, comme les temples regardaient l’orient, et que l’adorateur avait le dos tourné au soleil, c’était plutôt, je crois, vers le soleil qu’il se tournait, pour se remettre ensuite en présence du dieu. Par ces deux mouvements, il faisait un tour entier, pendant lequel il achevait sa prière. Ou bien, n’y aurait-il pas, dans ce tournoiement, une allusion aux roues égyptiennes[1] ? ne signifierait-il pas qu’il n’y a rien de stable dans les choses humaines, et que, de quelque manière que Dieu tourne et agite notre vie, nous devons nous soumettre et faire sa volonté ? S’asseoir après avoir adoré était, dit-on, un présage que les prières avaient été exaucées, et que les biens qu’on espérait seraient durables. On explique encore le fait autrement. Le repos sépare nos actions : or, après avoir terminé une première action, ils s’asseyaient devant les dieux pour en commencer une nouvelle. Cela peut se rapporter aussi au désir qu’avait le législateur de nous accoutumer, comme je l’ai dit, à ne pas prier les dieux quand nous sommes occupés d’autre chose, par passe-temps, et

  1. Les prêtres égyptiens présentaient, à ceux qui venaient faire leurs prières dans les temples, une roue tournante et des fleurs : c’étaient des symboles de l’instabilité et de la brièveté de la vie.