Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/194

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à leur sexe. Lycurgue leur laissa une liberté trop peu réservée et toute masculine, et il encourut les railleries des poëtes, lesquels donnent aux filles de Sparte les surnoms de montre-cuisses, ainsi Ibycus[1], et d’andromanes[2] Euripide dit aussi[3] :

Elles quittent leurs demeures pour suivre les garçons,
Toutes la cuisse nue, le péplum au vent.

Il est vrai que les pans de la tunique des jeunes filles n’étaient pas cousus par le bas, et qu’ils s’ouvraient de façon qu’elles ne pouvaient faire un pas sans montrer leur cuisse, comme Sophocle le fait clairement entendre dans ces vers[4] :

Et celle qui commence à avoir des désirs, et dont la robe encore ouverte des deux côtés.
Tombe sur la cuisse qu’elle laisse voir,
Hermione montre sa cuisse aux passants.

Aussi dit-on qu’elles étaient très-hardies, et que c’est surtout contre leurs maris que s’exerçait leur caractère altier : elles avaient tout pouvoir dans leurs maisons ; et, même dans les conseils, elles donnaient librement leur avis sur les affaires de la plus haute importance.

Numa sut conserver aux femmes romaines la dignité et les honneurs dont elles avaient joui sous Romulus, quand les maris cherchaient, à force de bons procédés, à leur faire oublier l’enlèvement. Il les environna de pudeur, leur interdit toute curiosité, leur enseigna la sobriété et le silence, leur défendit absolument l’usage du vin, et ne leur permit de parler des choses même les plus nécessaires qu’en présence de leurs maris. On raconte, à ce sujet, qu’une femme ayant un jour plaidé sa

  1. Poëte lyrique, né à Rhégium, et qui florissait vers 540 avant J.-C.
  2. Amyot interprète énergiquement ce mot : Enrageant d’avoir le mâle.
  3. Andromaque, vers 597, 598.
  4. Nous n’avons pas la pièce d’où ces vers sont tirés.