Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/20

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Pitthéus, évidemment, l’interpréta à sa manière ; car il fit tant, soit persuasion, soit adresse, qu’Éthra eut commerce avec Égée. Celui-ci apprit ensuite que c’était la fille de Pitthéus ; et, se doutant bien qu’elle était grosse, il laissa, à son départ, une épée et des brodequins, qu’il cacha sous une grande pierre, assez creuse pour contenir ce dépôt. Il ne communiqua son secret qu’à Éthra seule ; et il lui recommanda, si elle accouchait d’un fils, et que, parvenu à l’âge viril, il fût assez fort pour lever la pierre et prendre ce que son père aurait laissé, de le lui envoyer, muni de ces signes de reconnaissance, sans que personne s’en doutât, et avec le plus grand secret possible ; car il redoutait fort les embûches des Pallantides (c’étaient les cinquante fils de Pallas[1], qui le méprisaient parce qu’il n’avait point d’enfants.

Il partit ; et Éthra mit au monde un fils. L’enfant, selon les uns, fut nommé immédiatement Thésée, à cause des signes de reconnaissance déposés par son père ; mais, suivant d’autres, il ne reçut ce nom qu’à Athènes, après qu’Égée l’eut reconnu pour son fils[2]. Son éducation fut dirigée, chez Pitthéus, par un gouverneur nommé Connidas, auquel les Athéniens sacrifient encore aujourd’hui un bélier, la veille des fêtes théséennes : marque honorable de souvenir, plus justement méritée que les honneurs qu’ils rendent à Silanion et à Parrhasius, le sculpteur et le peintre des images de Thésée[3].

C’était encore alors l’usage des jeunes gens d’aller à Delphes, au sortir de l’enfance, pour y consacrer à Apollon les prémices de leur chevelure. Thésée s’y rendit ; et

  1. Pallas était frère d’Égée ; et ses fils, qui se regardaient comme les héritiers naturels du trône d’Athènes, attendaient impatiemment la mort de leur oncle.
  2. Le mot τίθημι, θήσω, signifie déposer, et τιθέναι υἱόν, reconnaître pour son fils.
  3. Le portrait de Thésée, par Parrhasius, était au Capitole du temps de Pline. Parrhasius florissait vers l’an 400 avant J.-C. Silanion, statuaire en bronze, était contemporain d’Alexandre.