Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/224

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de tester n’était point reconnu avant Solon : tous les biens du mort restaient dans sa famille. Solon permit à ceux qui n’avaient pas d’enfants de disposer à leur gré de ce qu’ils possédaient. Il préféra l’amitié à la parenté, la liberté du choix à la contrainte, et il voulut que chacun fût véritablement maître de ses biens. Mais il posa des limites : il ne ratifia pas indistinctement toute espèce de donation, mais celles-là seules qu’on aurait faites librement, et non sous l’influence des maladies, des breuvages, des maléfices, ou arrachées par la violence, ou captées par les séductions d’une femme. Il pensait, non sans cause, qu’il n’y a nulle différence entre les transgressions de la loi qui sont l’œuvre de la force et celles qui sont l’effet de la séduction, et il mettait au même rang la surprise et la violence, la douleur et la volupté, comme également capables de fourvoyer l’homme loin de la droite raison.

Une autre loi régla les voyages des femmes, leur deuil, leurs sacrifices, et réprima leur licence et leurs désordres. Solon leur défendit d’aller hors de la ville avec plus de trois robes ; de porter des provisions pour plus d’une obole[1] ; d’avoir une corbeille de plus d’une coudée de grandeur ; de marcher la nuit autrement qu’en chariot et précédées d’un flambeau. Il ne leur fut plus permis de se meurtrir le visage, de chanter des lamentations composées d’avance, de pousser des cris déchirants en suivant un convoi, lorsque le mort n’était pas leur parent. Il ne voulut pas qu’on sacrifiât un bœuf sur le tombeau ; qu’on enterrât avec le mort plus de trois habits ; qu’on allât aux sépultures des autres familles, excepté le jour de l’enterrement : toutes défenses qui, pour la plupart, subsistent encore dans nos lois. On y a même ajouté, depuis, que les contrevenants seraient condamnés à l’amende par les magistrats qui exercent

  1. L’obole était la sixième partie de la drachme, et valait à peu près 13 de nos centimes.