Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/245

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

La maison où allait se passer la scène était bien ce qu’il fallait, solitaire, obscure. Ils ne s’aperçurent pas qu’un esclave, nommé Vindicius, y était caché : non qu’il voulût les épier, ou qu’il eût quelque pressentiment de leur dessein ; mais il s’était trouvé par hasard dans la maison, et, les voyant entrer avec précipitation, il n’avait pas osé se montrer, et il s’était caché derrière un grand coffre. Il vit, de là, tout ce qu’ils firent, et il entendit tous leurs projets. La mort des consuls fut résolue dans l’assemblée ; et l’on écrivit à Tarquin des lettres qui l’instruisaient de tout le plan, et qu’on remit aux mains des envoyés ; car cette maison était précisément leur demeure : ils étaient les hôtes des Aquilius, et ils avaient assisté à la réunion.

Quand tout fut fini, et que les conjurés se furent retirés, Vindicius sortit secrètement de la maison, ne sachant quel usage il ferait de la découverte qu’il devait au hasard, et l’esprit en proie à la perplexité. Il voyait du danger, et il y en avait en effet, à dénoncer à Brutus l’affreux sacrilège de ses fils, et à Collatin celui de ses neveux. D’autre part, il ne croyait pas qu’il y eût, dans Rome, aucun particulier à qui l’on pût confier un pareil secret ; mais la chose dont il se sentait le moins capable, c’était de le garder. Enfin, pressé par sa conscience, il court chez Valérius. Ce qui décida surtout sa démarche, c’était la douceur et l’humanité de Valérius, l’accès facile qu’il donnait à tout le monde, et même aux plus humbles : on trouvait toujours sa maison ouverte ; et il ne dédaignait jamais de s’occuper des affaires des autres, ou de leurs besoins. Vindicius le vint donc trouver, et lui raconta, en présence de sa femme et de Marcus Valérius, son frère, tout ce qu’il avait vu et entendu. Valérius, saisi d’étonnement et d’épouvante, retient chez lui l’esclave, et l’enferme dans une chambre ; puis, laissant sa femme pour garder la porte de la maison, il charge son frère d’aller investir le palais du roi, de faire en sorte d’y