Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/253

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donc les haches des faisceaux ; et, lorsqu’il allait à l’assemblée, il faisait baisser et incliner les faisceaux mêmes, devant le peuple, reconnaissant ainsi et honorant la souveraineté populaire. C’est un usage que les consuls observent encore aujourd’hui. La multitude ne s’aperçut pas que Valérius, par cette modération, loin de s’humilier, comme on le croyait, se mettait à l’abri de l’envie, et qu’il gagnait autant en autorité personnelle qu’il semblait perdre du côté des prérogatives du pouvoir. En effet, le peuple se soumettait à lui avec plaisir, et recevait ses ordres sans murmure. On lui donna même le nom de Publicola, c’est-à-dire qui honore le peuple : titre qui prévalut sur les noms qu’il portait auparavant ; et c’est ainsi que nous l’appellerons toujours dans la suite du récit de sa vie. Il permit à tout le monde de se présenter pour le consulat vacant ; mais, avant qu’on lui donnât un collègue, ne sachant pas quel choix on ferait, et craignant que le nouveau consul, ou par jalousie ou par ignorance, ne mît obstacle à ses desseins, il employa l’autorité absolue dont il jouissait encore à l’accomplissement de ses projets les plus beaux et les plus utiles. Il commença par compléter le sénat, réduit à un très-petit nombre de membres : beaucoup étaient morts victimes de Tarquin, il y avait déjà quelque temps ; et beaucoup avaient succombé naguère dans la bataille. Aux sénateurs qui restaient, il en ajouta, dit-on, cent soixante-quatre autres. Ensuite il fit plusieurs lois qui donnèrent plus de force encore à la puissance populaire : ainsi la loi qui permit d’en appeler au peuple des jugements rendus par les consuls ; puis la loi qui prononçait la peine de mort contre ceux qui entreraient dans des charges sans y avoir été nommés par le peuple. Une troisième loi fut d’un grand soulagement pour les pauvres : c’est celle qui déchargea les citoyens de tout impôt, et qui donna à tout le monde un goût plus vif pour l’exercice des arts et des métiers.