Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/272

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
256
COMPARAISON DE SOLON ET DE PUBLICOLA.

core. Presque toujours une abolition de dettes entraîne à sa suite des troubles et des dissensions. Solon, au contraire, en appliquant à propos la mesure, comme on fait un remède périlleux mais énergique, parvint à apaiser la sédition qui s’était élevée dans Athènes ; et il fit taire, par le seul ascendant de sa vertu, les reproches et les murmures qu’aurait pu exciter la loi.

Si l’on considère l’ensemble de leur administration, Solon débuta d’une manière plus brillante : il se fraya lui-même sa route ; il n’eut pas de devancier ; et seul, sans le secours de personne, il termina heureusement presque toutes ses entreprises, et les plus grandes. Pour Publicola, il eut une fin plus heureuse et plus digne d’envie ; car Solon vit renverser le gouvernement qu’il avait établi, tandis que les institutions de Publicola maintinrent l’ordre dans Rome, jusqu’au temps des guerres civiles. C’est que Solon, après avoir publié ses lois, les abandonna, quand il partit d’Athènes, seules et sans défenseurs, dans leurs tables et sur leurs rouleaux. Publicola, en restant à Rome, avec le pouvoir et les affaires en main, affermit ses établissements, et en assura la durée. Solon, après des efforts inutiles pour arrêter les intrigues de Pisistrate, qu’il avait su découvrir, finit par céder à la tyrannie grandissante. Publicola abattit, et pour jamais, une royauté pleine de force, et qui florissait depuis des siècles. Son courage ne fut pas au-dessous de son entreprise ; et rien ne manqua à sa vertu, ni la fortune qui seconde l’effort, ni l’énergie qui accomplit l’œuvre.

Quant aux exploits belliqueux, Solon, s’il en faut croire Daïmachus de Platées[1], n’a pas même conduit cette expédition contre les Mégariens, dont nous avons fait le récit. Mais Publicola remporta d’éclatantes vic-

  1. Auteur d’une Histoire de l’Inde, signalée par Strabon comme un recueil de contée absurdes et de fausses notions sur le pays. Il est inconnu d’ailleurs, et il ne reste rien de ses écrits.