Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/339

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qui laisse dans une complète incertitude la date d’autres événements plus récents. Il semble, au reste, qu’il se répandit aussitôt dans la Grèce un bruit sourd du malheur des Romains, et de la prise de leur ville. Héraclide de Pont, qui n’est pas beaucoup postérieur à cette époque[1], dit, dans son traité de l’Âme, qu’on reçut d’Occident la nouvelle qu’une armée, venue des pays hyperboréens, avait pris une ville grecque, nommée Rome, située dans les contrées occidentales, non loin de la grande mer. Mais je ne serais pas étonné que ce fut Héraclide lui-même, cet écrivain fabuleux et menteur, qui eût imaginé d’embellir le fait véritable de la prise de Rome, à l’aide de ces mots imposants d’hyperboréens et de grande mer. Pour Aristote le philosophe, il s’exprime en termes précis, et il manifeste qu’il avait entendu parler de la prise de Rome par les Celtes ; mais il dit que celui qui la sauva s’appelait Lucius : or, Camille avait le prénom de Marcus, et non pas celui de Lucius. Mais les Grecs, sur ce sujet, n’ont parlé que par conjecture.

Brennus, maître de Rome, fit environner le Capitole par un corps de troupes, et il descendit vers le Forum. Là, il fut saisi d’admiration, à l’aspect de ces vieillards magnifiquement vêtus, assis dans un profond silence, et qui restèrent immobiles à l’approche des ennemis, sans changer de visage ni de couleur, sans donner le moindre signe de crainte, et se regardant les uns les autres, tranquillement appuyés sur leurs bâtons. Ce spectacle extraordinaire frappa tellement les Gaulois, qu’ils n’osèrent, pendant longtemps, ni les approcher ni les toucher, les prenant pour des êtres divins. Enfin, l’un d’eux se hasarda d’approcher de Manius Papirius, lui passa doucement la main sous le menton, et lui prit la barbe, qui était fort longue. Papirius frappe le Gaulois d’un coup

  1. Héraclide, en effet, était à peu près contemporain, car il fut un des disciples de Platon.