Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/364

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fourrage, et ceux qui restaient dans le camp passer la journée entière à faire bonne chère et à s’enivrer, il saisit l’occasion, et il envoie, dès la nuit même, ses troupes légères harceler les barbares, et les charger à mesure qu’ils sortaient, pour les empêcher de se mettre en bataille. À la pointe du jour, il fait descendre dans la plaine et met en ordre son infanterie, nombreuse et pleine d’ardeur, et non point, comme le croyaient les barbares, réduite à un petit nombre et découragée.

À cette attaque, les Celtes rabattirent d’abord de leur confiance orgueilleuse : ils sentirent bien qu’on ne les redoutait pas. D’ailleurs, les troupes légères, qui tombaient sur eux avant qu’ils pussent prendre leur ordre accoutumé et se diviser par bataillons, mettaient la confusion dans leurs rangs, et les forçaient de combattre en désordre, chacun dans la place que lui assignait le hasard. Enfin, Camille fait avancer son corps d’armée, et les barbares se jettent sur les Romains l’épée haute ; mais ceux-ci opposent leurs longues piques, et ils présentent aux coups des corps couverts de fer ; et les épées des barbares, qui étaient de fer non trempé, et qui avaient les lames minces et aplaties, pliaient aisément et se courbaient en deux[1]. Leurs boucliers étaient hérissés des longues piques qui s’y étaient enfoncées ; et c’était là un poids insupportable : aussi abandonnaient-ils leurs propres armes, se jetant sur les piques des Romains, pour les leur arracher. Les Romains, qui les voient s’offrir ainsi à découvert, mettent l’épée à la main, et font un grand carnage des premiers rangs. Les autres prennent la fuite çà et là par la plaine ; car les collines et les hauteurs, Camille s’en était saisi d’avance, et les barbares savaient que l’ennemi se rendrait aisément maître de leur camp. Cette bataille se donna, dit-on, la treizième année après la prise de Rome[2]. Les Romains y appri-

  1. Ces épées n’étaient que de mauvais sabres.
  2. D’après Tite-Live, c’est la vingt-troisième année. Il est possible que ce ne soit, dans Plutarque, qu’une faute de copiste, et non pas une erreur de l’historien.