Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/425

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

par un de ses licteurs, l’ordre d’abandonner les faisceaux, de quitter tous les insignes du consulat, et de paraître devant lui en simple citoyen[1]. Après cela, commençant par les dieux, ce qui était la plus noble façon de commencer, il fit comprendre au peuple qu’on devait attribuer la défaite à la négligence du général et à son mépris pour la Divinité, et non pas à la lâcheté des troupes ; il l’engagea à ne pas craindre les ennemis, mais à apaiser, par les témoignages de sa vénération, les dieux irrités. Non qu’il cherchât à fomenter des sentiments de superstition : son but était d’affermir le courage par la piété, de bannir la frayeur qu’inspiraient les ennemis, et de la remplacer par la confiance dans les dieux.

On recourut alors à quelques-uns de ces livres mystérieux et utiles, qu’on appelle sibyllins ; et plusieurs des prédictions qu’ils contenaient se rapportèrent dit-on, aux événements et aux faits qui s’accomplirent à cette époque ; mais ce qu’y voyait celui qui consultait ces livres, nul n’avait le droit de le lui demander. Le dictateur parut donc devant le peuple ; et il promit solennellement aux dieux d’immoler, en leur honneur, tout ce qui naîtrait, au printemps prochain, des chèvres, truies, brebis ou vaches, dans toutes les montagnes, plaines, rivières et prés de l’Italie[2] ; de consacrer, à la célébration de jeux scéniques et de concours de musique, une somme de trois cent trente-trois mille sesterces trois cent trente-trois deniers et un tiers, ce qui fait quatre-vingt-trois mille cinq cent quatre-vingt-trois drachmes et deux oboles, en monnaie grecque[3]. Or, pourquoi cette somme spécifiée avec une telle précision, c’est ce qu’il est difficile

  1. C’est seulement hors de Rome, que Fabius déploya cet appareil, et qu’il réduisit le consul Servilius à faire hommage à la dictature.
  2. C’est ce qu’on appelait à Rome un printemps sacré, ver sacrum.
  3. C’est-à-dire, en monnaie française, 77,732 francs 50 centimes.