Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/450

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un homme qu’aveuglait la passion, et qui ne faisait la guerre que pour de l’argent.

C’est ainsi que la plupart des écrivains rapportent le fait. Plusieurs prétendent, toutefois, que la femme qui gagna le Bruttien n’était pas de Tarente, mais du Bruttium, et qu’elle était la concubine de Fabius. Ayant appris que le chef de la garnison bruttienne était un homme de son pays et de sa connaissance, elle se serait entendue avec Fabius ; puis elle aurait eu, avec le Bruttien, une entrevue au pied des remparts, et elle serait parvenue à le gagner.

Pendant que le complot se préparait, Fabius, qui cherchait un moyen d’éloigner Annibal de ce point, envoya ordre à la garnison de Rhégium de ravager le territoire des Bruttiens, et d’aller investir et prendre de force la place de Caulonia[1]. Or, cette garnison se composait de huit mille hommes, presque tous déserteurs, détestables soldats, qui avaient été notés d’infamie, et que Marcellus[2] avait transportés de Sicile à Rhégium. Ainsi la république, en les perdant, ne pouvait guère en éprouver de mal ni de regret. Il espérait, en les exposant comme un appât au-devant d’Annibal, écarter Annibal de Tarente ; ce qui arriva. Annibal s’élança aussitôt, pour les atteindre, avec toute son armée ; et Fabius investit la place. Le sixième jour du siège, le jeune homme étant convenu de tout avec le Bruttien par l’entremise de sa sœur, alla trouver le consul, après avoir bien observé l’endroit du rempart confié à la garde du Bruttien, point que le Bruttien s’était engagé à livrer, et par où il devait laisser entrer les assiégeants. Cependant Fabius, qui ne mettait pas dans la seule trahison toute l’espérance du succès, se porta là de sa personne ; et, tandis que toute son armée se déployait autour de la place, et qu’elle don-

  1. Rhégium était sur le détroit de Sicile, et Caulonia ou Caulon était une ville du Bruttium.
  2. Non pas Marcellus, mais son collègue Lévinus.