Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/453

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venir à pied, si c’était au magistrat qu’il avait affaire. Cet ordre déplut à tous les assistants ; et tous en silence tournèrent les yeux vers Fabius, outragé, pensaient-ils, dans sa gloire. Mais lui, s’élançant aussitôt de cheval, se précipita vivement du côté de son fils ; et, se jetant à son cou, et le serrant dans ses bras : « Bien, mon fils ! s’écria-t-il ; c’est bien pensé, bien agi ! tu comprends à quels hommes tu commandes, et de quelle majesté tu es revêtu. C’est ainsi que nos ancêtres et nous, nous avons agrandi la puissance de Rome : oui, c’est en mettant au-dessus de nos parents et de nos enfants l’honneur de la patrie. »

En effet, on rapporte que le bisaïeul de Fabius[1], qui était le personnage le plus illustre et le plus puissant de Rome, et qui avait été cinq fois consul, chargé de guerres fort importantes, et honoré plusieurs fois du triomphe, servit comme lieutenant, sous son fils devenu consul[2], et que, quand celui-ci rentra dans Rome sur le char triomphal, il le suivit à cheval dans la foule, fier d’avoir sur son fils les droits de l’autorité paternelle, d’être le plus grand des citoyens de Rome, comme on lui en donnait le titre, et de se montrer cependant soumis aux lois et au pouvoir. Et ce n’étaient point là les seules qualités qui faisaient admirer notre Fabius. Il arriva que son fils mourut : il supporta ce malheur avec modération, en homme sage et en bon père. Il est d’usage qu’aux funérailles des personnes de distinction, les parents du mort prononcent son éloge funèbre : il prononça lui-même, à la tribune publique, l’éloge de son fils ; depuis, il écrivit ce discours, et il le publia.

Cornélius Scipion[3] fut envoyé en Espagne, et il y remporta sur les Carthaginois plusieurs victoires. Il les força d’évacuer le pays, conquérant ainsi à Rome des

  1. Quintus Fabius Rullus.
  2. Quintus Fabius Gurgès.
  3. Le premier Africain.