Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/463

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ripide, que de tous ceux qui sont beaux l’automne aussi soit belle[1]. C’est un avantage peu commun, et qu’Alcibiade dut aux belles proportions de son corps et à son heureuse constitution. Il grasseyait un peu en parlant ; ce qui lui seyait très-bien, dit-on, et ce qui donnait à son discours une sorte de grâce naïve et entraînante. Aristophane parle du grasseyement d’Alcibiade, dans ce passage où il plaisante Théorus[2] :

Puis Alcibiade me dit en grasseyant :
Legalde Théolus ; il a la tête d’un colbeau[3].
Il a très-bien parlé Alcibiade, tout en mal parlant !


Et Archippus[4], se moquant du fils d’Alcibiade : « Il marche, dit-il, d’un pas indolent, laissant flotter derrière lui son manteau ; et, pour qu’on trouve en lui tout le portrait de son père, il penche le cou et il grasseye. »

Pour ses mœurs, elles présentèrent, avec le temps, des contrastes et des variations fréquentes, suite naturelle des grandes circonstances où il se trouva, et des vicissitudes de sa fortune. Mais, entre toutes ces passions vives et ardentes auxquelles son âme était en proie, ce qu’il savait le moins réprimer, c’était une irascibilité extrême, et la prétention de primer partout, comme le prouvent les traits qu’on rapporte de son enfance même. Un jour, qu’il s’exerçait à la lutte, vivement pressé par son adversaire, et sur le point d’être terrassé, il lui mordit les mains, et lui fit lâcher prise. « Tu mords,

  1. C’est d’Agathon qu’Euripide dit un jour cette parole, que Plutarque cite encore dans son traité de l’Amour.
  2. Dans la comédie des Guêpes, vers 44 et suivants.
  3. Il y a, dans les vers d’Aristophane, un jeu de mots intraduisible en français : au lieu de κόρακος, d’un corbeau, Alcibiade a prononcé, par l’effet de son grasseyement, κόλακος, d’un flatteur ; ce qui explique la réflexion contenue dans le vers suivant.
  4. Poëte de l’ancienne comédie.