Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/482

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

courait de là s’emparer de l’Italie et du Péloponnèse ; et il ne comptait la Sicile que comme une sorte de magasin pour les provisions de guerre. Il eut bientôt rempli les jeunes gens d’espérances qui ne demandaient qu’à naître ; et on les vit qui écoutaient avidement les choses merveilleuses que les vieillards leur racontaient à propos de l’expédition, et qui passaient souvent des journées entières, dans les gymnases et dans les lieux d’assemblée, à tracer sur le sable la figure de la Sicile, le plan de Carthage et de la Libye. Mais Socrate et Méton l’astronome n’espérèrent, dit-on, jamais rien de bon pour Athènes de cette expédition. Le premier était averti sans doute par son génie familier : pour Méton, qui craignait un avenir funeste, soit qu’il en jugeât par raisonnement ou suivant les règles de l’art divinatoire[1], il contrefit le fou, et, prenant une torche allumée, il alla pour mettre le feu à sa propre maison. D’autres disent que Méton ne feignit point la folie ; qu’il brûla sa maison pendant la nuit ; que, le lendemain, il parut sur la place, et conjura le peuple, en considération de cette perte, de dispenser son fils d’aller à la guerre ; et ses concitoyens trompés lui auraient accordé l’objet de sa demande.

Nicias fut nommé, malgré lui-même, l’un des commandants de l’expédition ; charge qu’il redoutait, et pour elle-même, et parce qu’il avait Alcibiade pour collègue. Mais les Athéniens se persuadaient que la guerre serait mieux conduite, s’ils ne l’abandonnaient pas tout entière à l’impétuosité d’Alcibiade, et s’ils tempéraient son audace par la prudence de Nicias ; car Lamachus, le troisième général, malgré sa maturité d’âge, n’était ni moins bouillant qu’Alcibiade, ni moins intrépide dans les combats. Il y eut une assemblée publique, pour délibérer sur le nombre des troupes qu’on armerait, et sur les autres préparatifs. Nicias y fit de nouveaux efforts

  1. Méton était un véritable astronome, et non point un adepte de la fausse science des devins.