Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/498

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

forces à celle des généraux athéniens. Le hasard fit qu’il arriva, avec ses dix-huit vaisseaux, au moment où les deux flottes étaient engagées dans un grand combat, près d’Abydos[1]. La lutte s’était prolongée jusqu’aux approches de la nuit, avec des succès balancés de part et d’autre. L’apparition d’Alcibiade jeta dans une égale erreur l’une et l’autre armée : les ennemis reprirent courage, et les Athéniens se troublèrent. Mais Alcibiade eut bien vite arboré, sur le vaisseau du commandement, une enseigne amie ; puis, fondant sur les Péloponnésiens, qui commençaient à l’emporter, et qui pressaient vivement leurs adversaires, il les met en fuite, les pousse contre terre, les serre de près, brise leurs vaisseaux, et massacre les hommes qui se sauvaient à la nage. Pharnabaze eut beau les aider avec son armée de terre, et combattre du rivage pour sauver leurs vaisseaux : à la fin, les Athéniens s’étaient emparés de trente navires ennemis, avaient recouvré les leurs, et dressaient le trophée de la victoire.

Alcibiade, après un si éclatant succès, voulut se montrer à Tisapherne dans tout le lustre de sa gloire. Il fit donc provision de présents, et il alla le trouver avec un train de général. Il n’en reçut pas l’accueil qu’il avait espéré. Tisapherne, dont les Lacédémoniens se plaignaient depuis longtemps, et qui craignait qu’on ne l’accusât auprès du roi de Perse, résolut de profiter de l’arrivée d’Alcibiade, et le retint prisonnier dans Sardes[2], pour se défendre, à l’aide de cette injustice, contre les accusations des Spartiates.

Mais, au bout de trente jours, Alcibiade trouva le moyen de se procurer un cheval, trompa ses gardes, et s’enfuit à Clazomène[3] ; et, pour se venger, il fit courir le bruit que c’était Tisapherne qui l’avait relâché. Il se rend par mer au

  1. A l’entrée de l’Hellespont, du côté de l’Asie.
  2. L’ancienne capitale de la Lydie était le chef-lieu de la satrapie de Tisapherne.
  3. Ville grecque de la côte d’Ionie.