Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/521

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

il fit avec franchise une complète apologie du sénat ; et il termina son discours par un apologue, depuis fameux. « Tous les membres du corps humain s’étaient révoltés, dit-il, contre l’estomac. Ils se plaignaient que l’estomac demeurât seul oisif dans le corps, sans contribuer à son service, tandis que les autres membres supportaient toute la peine et toute la fatigue, pour fournir à ses appétits. L’estomac se moqua de leur sottise, qui les empêchait de sentir que, s’il recevait seul toute la nourriture, c’était pour la renvoyer et la distribuer ensuite à chacun d’eux. Citoyens, dit Ménénius, il en est de même du sénat par rapport à vous : ses délibérations, les affaires qu’il prépare, sont la garantie du bon ordre dans l’État, et la source de tous les biens, de tous les avantages qui se répandent sur chacun de vous. »

Ce discours amena la réconciliation. Seulement ils demandèrent au sénat, et ils en obtinrent, de pouvoir élire cinq magistrats chargés de les défendre : ce sont ceux qu’on appelle maintenant tribuns du peuple. Les premiers élus furent les chefs mêmes de la révolte, Junius Brutus et Sicinius Bellutus. L’union une fois rétablie dans la cité, le peuple eut bientôt pris les armes ; et les consuls n’eurent plus affaire qu’à des soldats obéissants et pleins d’ardeur. Marcius, tout mécontent qu’il fût de l’augmentation de force que le peuple avait obtenue au préjudice de l’aristocratie, ne laissa pas d’exhorter les patriciens, qu’il voyait comme lui affligés de ce désordre, à ne point rester en arrière des plébéiens, dans ces luttes pour la défense de la patrie, et à montrer qu’ils l’emportaient sur eux, bien plus encore par la vertu que par la puissance[1]. C’était avec la nation des Volsques, que les Romains

  1. Le rôle politique de Marcius en cette circonstance prouve bien qu’à la bataille du lac de Régille il était déjà homme fait ; car la retraite du mont Sacré est de l’an 493, c’est-à-dire de trois ans seulement postérieure à la bataille.