qui proposent de faire des largesses et des distributions de blé, comme on en fait en Grèce, pays de complète démocratie[1], autorisent véritablement une désobéissance qui sera la ruine de l’État. Car le peuple ne prétendra pas, certes, qu’il reçoit ce blé comme le prix de ces expéditions auxquelles il s’est refusé ; de ces retraites séditieuses, qui n’ont été que des trahisons envers la patrie ; de ces calomnies contre le sénat, qu’il a accueillies avec tant de complaisance. Ils se figurent que nous cédons par crainte, et que c’est pour les flatter qu’on leur accorde ce qu’ils demandent. Dès lors, plus de bornes à leur mutinerie : des révoltes et des séditions sans fin. Ce serait donc, de notre part, acte de pure folie. Si nous sommes sages, ôtons-lui ce tribunat, qui a anéanti la puissance consulaire, jeté la division dans la cité, et détruit son unité d’autrefois. Tant que Rome sera déchirée par deux factions rivales, n’espérons plus ni union, ni paix, ni aucun terme à nos maux et à ces agitations intestines. »
Marcius parla longtemps sur ce ton ; et il fit passer, dans l’âme des jeunes gens et de presque tous les riches, la fureur dont il était lui-même animé. « C’était lui, criaient-ils, le seul invincible, le seul ennemi déclaré de la flatterie. » Mais quelques vieux sénateurs repoussèrent son avis, dans la prévision de ce qui allait arriver. Or, il n’arriva rien que de fâcheux. Les tribuns, qui étaient présents à la délibération[2], voyant que l’opinion de Marcius l’emportait, accourent vers la multitude, en jetant de grands cris, et en exhortant le peuple à se réunir à eux, pour leur prêter secours. Le peuple se rassemble en tumulte, et on lui rapporte le discours de Marcius. Peu s’en fallut, dans le pre-