Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/536

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prières ne se pouvaient faire entendre. À la fin, les amis et les parents des tribuns, voyant qu’il serait impossible d’emmener Marcius, ni de le punir, sans répandre le sang de bien des patriciens, leur persuadèrent de supprimer ce qu’il y avait, dans la sentence, de cruel et de contraire à l’usage ; de ne pas enlever de force Marcius pour le tuer sans forme de procès, et de s’en remettre au peuple de la décision. Alors Sicinius, un peu calmé, demande aux patriciens quel est donc leur projet, de vouloir ravir Marcius à la justice du peuple. « Mais vous-mêmes, répliquèrent les patriciens, que prétendez-vous faire, de condamner ainsi, sans formalité judiciaire, à un supplice cruel et injuste, un des plus vertueux Romains ? — Hé bien, reprit Sicinius, n’en faites plus un prétexte de querelles et de séditions contre le peuple : on vous accorde que cet homme soit jugé dans les formes. Quant à toi, Marcius, nous te citons à comparaître au troisième jour de marché, pour te défendre devant les citoyens, et pour faire décider la question par leurs suffrages. » Les patriciens ne firent plus dès lors aucune objection, satisfaits d’emmener avec eux Marcius.

Les marchés se tiennent à Rome tous les neuf jours ; et c’est ce qui les fait appeler nundines[1]. Dans l’intervalle de temps qui devait s’écouler jusqu’au troisième jour de marché, la guerre avait éclaté contre les Antiates : diversion qui donna aux patriciens l’espoir que le jugement serait différé, et que la durée de l’expédition, et les soins qu’elle allait exiger, assoupiraient le ressentiment populaire, ou même l’éteindraient tout à fait. Mais la paix se conclut presque aussitôt avec les Antiates ; et l’armée rentra dans Rome. Les patriciens, qui craignaient pour Marcius, tinrent plusieurs fois conseil entre eux, afin d’aviser à ne le point livrer, et aussi à ne

  1. De novem et de dies.