Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/549

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comme il convenait à leur situation présente. Quand ils eurent fini, Marcius répondit, sur ce qui lui était personnel, avec l’aigreur et le ressentiment d’un homme profondément blessé ; puis, comme général des Volsques, il demanda qu’on rendît les villes et les terres que les Romains avaient conquises sur eux, et qu’on leur accordât le droit de cité, ainsi qu’on l’avait fait aux Latins ; n’y ayant jamais, disait-il, de paix solide que celle qui porte sur des conditions justes et égales pour les deux partis. Il leur donna trente jours pour délibérer ; et, aussitôt les députés partis, il sortit lui-même du territoire de Rome.

Cette retraite fut le premier prétexte d’accusation que saisirent ceux des Volsques qui depuis longtemps lui portaient envie, et qui ne pouvaient supporter sa puissance. Tullus lui-même en était : non qu’il eût reçu personnellement de Marcius aucune offense ; mais, par une faiblesse commune chez les hommes, il était piqué de voir sa propre gloire si complètement obscurcie, et d’être négligé par les Volsques, pour qui Marcius seul était tout, et qui voulaient que les autres généraux se contentassent de la part qu’il leur donnait à sa puissance et à son autorité. De là donc les premières inculpations qu’on sema secrètement contre lui. Les rivaux de Marcius, ligués par le ressentiment, appelaient sa retraite une trahison, qui livrait à l’ennemi, selon eux, non des villes ou des armées, mais le temps, qui décide ordinairement du salut ou de la perte de toutes choses. Que s’il avait porté à trente jours la durée de la trêve, c’était parce qu’en moins de temps les ennemis n’auraient tiré du sursis aucun véritable avantage. Toutefois, Marcius ne passa point ces trente jours, dans l’inaction. Il alla ravager les terres des alliés de Rome ; et il prit sept grandes villes, toutes très-peuplées, sans que les Romains osassent les secourir : leurs âmes étaient frappées d’engourdissement ; et l’on eût dit une léthargie