Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/106

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Léontidas et Philippe, trois hommes riches, partisans de l’oligarchie, et qui ne savaient mettre nulle borne à leur ambition, lui conseillèrent de prendre la Cadmée[1], de chasser de la ville leurs adversaires et d’établir une oligarchie qui resterait sous la dépendance des Lacédémoniens. Phœbidas y consent, fond sur les Thébains, surpris pendant la célébration des Thesmophories[2], s’empare de la citadelle, enlève Isménias, et le fait conduire à Lacédémone, où il est mis à mort peu de temps après. Pélopidas, Phérénicus et Androclidas s’échappèrent, ainsi que beaucoup d’autres, et furent condamnés au bannissement. Épaminondas resta dans le pays, parce qu’on le méprisait comme un homme incapable de rien entreprendre à cause de son goût pour la philosophie, et impuissant à cause de sa pauvreté.

Les Lacédémoniens ôtèrent, il est vrai, le commandement à Phœbidas, et le condamnèrent à une amende de cent mille drachmes[3] ; mais ils n’en laissèrent pas moins une garnison dans la Cadmée. Toute la Grèce fut étonnée de l’étrangeté de leur conduite, en les voyant punir l’auteur du fait et approuver le fait même. Les Thébains avaient perdu leur constitution nationale : esclaves d’Archias et de Léontidas, courbés sous une tyrannie qu’ils voyaient gardée et soutenue par la puissance souveraine des Spartiates, ils n’avaient aucune espérance de s’en délivrer et de la détruire jamais, à moins que Sparte ne perdît l’empire souverain qu’elle exerçait sur terre et sur mer. Cependant Léontidas, apprenant que les exilés retirés à Athènes y étaient l’objet de l’affection du peuple et de la considération des gens de bien, leur dressa de

  1. C’était le nom de la citadelle de Thèbes.
  2. Ce sont les fêtes qu’on célébrait en l’honneur de Cérès, législatrice, comme l’indique le nom même de la solennité.
  3. Environ quatre-vingt-dix mille francs de notre monnaie.