Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/153

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à Rome de faire un tour sur soi-même avant de se prosterner devant les dieux[1]. Au moment où il en vint aux mains, il fit vœu de consacrer à Jupiter Férétrien les plus belles armes qu’il prendrait sur les ennemis.

Dans le même temps, le roi des Gaulois l’aperçut ; et, conjecturant aux insignes dont il le voyait revêtu que ce devait être le chef de l’armée, il lança son cheval bien loin hors des rangs, et vint à sa rencontre en poussant le cri de guerre, en le défiant au combat, et en brandissant sa pique. C’était l’homme le plus grand des Gaulois ; son armure était toute resplendissante d’argent et de pourpre, et décorée de figures de diverses couleurs : on eût dit un astre étincelant. Marcellus parcourut des yeux la phalange ; et il lui sembla que ces armes étaient les plus belles de toutes : c’étaient donc celles qu’il devait offrir aux dieux pour accomplir sa promesse. Il piqua droit au guerrier, lui traversa la cuirasse d’un coup de javelot, et, de la roideur du choc, qu’augmentait l’élan du cheval de son ennemi, il le porta par terre vivant encore ; mais il l’acheva en lui assénant un deuxième et un troisième coup. Puis, sautant aussitôt de son cheval, il dépouilla le corps de ses armes, et les éleva dans ses mains vers le ciel, en disant : « Ô toi qui regardes d’en haut les grandes actions, la conduite des généraux d’armée dans la guerre, leurs exploits dans les combats, Jupiter Férétrien, je te prends à témoin que je suis le troisième des Romains qui, en combattant chef contre chef, général contre roi, ai de ma main terrassé et tué mon ennemi, et consacré à toi les prémices des dépouilles, les dépouilles opimes. Accorde-nous le même succès dans le reste de cette guerre. »

Après cela, ses cavaliers engagèrent la mêlée ; mais ce ne fut pas un combat de cavalerie contre cavalerie, mais

  1. Voyez la Vie de Numa, dans le premier volume.