Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/159

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vrir la porte près de laquelle il était ; et, s’élançant à la tête de l’élite de sa cavalerie, il tomba sur l’ennemi et le chargea de front. Un instant après, une autre porte s’ouvrit, et l’infanterie en sortit au pas de course et en poussant des cris. Pendant qu’Annibal partageait ses soldats pour repousser cette nouvelle attaque, on ouvrit une troisième porte, et le reste des Romains en sortit en courant : ils enfoncent de tous côtés l’ennemi épouvanté d’une attaque aussi imprévue, et qui avait déjà de la peine à soutenir la première charge, quand la seconde était survenue. Ce fut la premiere affaire où les soldats d’Annibal cédèrent aux Romains ; ils regagnèrent leur camp ayant eu beaucoup d’hommes tués et blessés. On porte à plus de cinq mille le nombre de leurs morts ; les Romains n’en eurent pas plus de cinq cents. Cependant Tite-Live n’affirme pas que la défaite des ennemis ait été si considérable, ni qu’ils aient perdu tant de monde[1] : il dit du moins que Marcellus en retira beaucoup de gloire, et que les Romains se sentirent relevés de leurs désastres et conçurent, à la suite de cette journée, une confiance étonnante : l’ennemi qu’ils combattaient n’était donc plus irrésistible, il n’était pas invincible ; il pouvait donc, lui aussi, éprouver des revers.

C’est pourquoi, un des consuls étant mort, le peuple appelait pour le remplacer Marcellus absent ; et, malgré les magistrats, on fit différer l’élection, jusqu’à ce que Marcellus fût arrivé du camp. Il fut élu consul à l’unanimité des suffrages ; mais, un coup de tonnerre s’étant fait entendre, les prêtres regardèrent ce signe comme de mauvais présage ; cependant ils n’osèrent, par crainte du peuple, s’opposer ouvertement à l’élection : Marcellus se démit lui-même de sa charge. Cela ne l’exempta pas,

  1. Tite-Live, XXIII, 16, porte à deux mille huit cents environ le nombre des Carthaginois morts dans la bataille.