Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/163

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cutés que pour céder aux honorables instances du roi Hiéron. Hiéron avait engagé Archimède à détourner un instant, des choses intelligibles vers les corporelles, l’essor de son âme, et de rendre ses raisonnements sensibles au vulgaire, en les mêlant, comme il lui plairait, d’applications usuelles.

Cette mécanique si recherchée et si vantée, Eudoxe et Architas en sont les inventeurs : ils voulaient orner la géométrie d’une certaine grâce, et appuyer sur des exemples sensibles et matériels, des problèmes qu’il était difficile de résoudre par le raisonnement et la démonstration scientifique. Ainsi, pour le problème de deux moyennes proportionnelles, à la solution duquel le raisonnement ne suffit point seul, et qui est pourtant le principe nécessaire de beaucoup de figures, ils ont recouru tous deux à des moyens mécaniques, et composé certains mésolabes à l’aide de lignes courbes et de sections coniques. Mais bientôt Platon, indigné, leur reprocha vivement de corrompre la géométrie, de lui enlever sa dignité, en la faisant passer, comme une esclave fugitive, de l’étude des choses incorporelles et intelligibles à celle des objets qui tombent sous les sens, et en employant, outre le raisonnement, des corps longuement et servilement façonnés par le travail de la main. C’est ainsi que la mécanique déchue fut séparée de la géométrie ; et, longtemps méprisée par la philosophie, elle devint un des arts militaires.

Or, un jour Archimède écrivait au roi Hiéron, dont il était le parent et l’ami, qu’avec une force donnée il est possible de remuer un poids donné. Emporté, comme on dit, par la chaleur et par la force de la démonstration, il ajouta que, s’il avait une autre terre, il remuerait celle-ci après être passé dans l’autre. Hiéron, étonné, le pria de mettre le problème en pratique, et de lui montrer quelque grande masse remuée par une petite force. Ar-