Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/227

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rent de visiter le territoire de chaque ville, d’examiner ses revenus, et de fixer ce que chacun devait payer, en raison de ses facultés et de ses forces. Aristide, armé d’un si grand pouvoir, et établi en quelque sorte seul arbitre des intérêts de toute la Grèce, partit pauvre d’Athènes, et y revint plus pauvre encore. Il fixa chaque imposition non-seulement avec un désintéressement parfait et conformément à la justice, mais sans fouler personne, et avec une entière impartialité. Le nom que les anciens avaient donné au siècle de Saturne, les alliés d’Athènes le donnèrent à la taxe d’Aristide. Ils l’appelèrent, dans leur enthousiasme, l’âge d’or de la Grèce, et surtout lorsqu’ils se virent, peu de temps après, imposés au double et au triple. La taxe d’Aristide était de quatre cent soixante talents[1] : Périclès la porta à peu près à un tiers de plus ; car, suivant Thucydide, au commencement de la guerre du Péloponnèse, les alliés payaient aux Athéniens six cents talents[2] ; et, après la mort de Périclès, les démagogues la firent monter successivement jusqu’à treize cents[3] : non que la guerre fût devenue à ce point dispendieuse et ruineuse par sa longue durée et par les accidents de la fortune ; mais ils faisaient au peuple des distributions d’argent ; ils lui donnaient des jeux et des spectacles ; ils dressaient des statues et bâtissaient des temples.

Aristide, par l’équité de la répartition des tributs, s’était fait une grande et admirable réputation ; mais Thémistocle se moquait, dit-on, des louanges qu’on donnait à son rival. Elles convenaient, selon lui, non pas à un homme, mais à un sac qui garde fidèlement l’or qu’on lui confie. C’était une faible vengeance d’un mot échappé

  1. Environ deux millions sept cent mille francs.
  2. Environ trois millions six cent mille francs.
  3. Environ sept millions huit cent mille francs.